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Il ne faut jamais avoir peur, et si des forces adverses essayent de se loger dans ta nature inférieure, tu n'as qu'à les déloger en m'appelant à l'aide.
Mère, la nuit dernière j'ai eu un cauchemar et j'étais
presque effrayé.
Il ne faut jamais avoir peur. Même dans ton sommeil tu
dois pouvoir te souvenir de moi et m'appeler au secours s'il y a
quelque danger. Tu verras que les cauchemars s'évanouiront.
Il me paraissait qu'il y avait quelqu'un dans ma
chambre, qui voulait sucer mon sang ; j'ai voulu lui
fendre ma main gauche pour qu 'il puisse le faire.
Si tu commences a nourrir les forces adverses, elles exigeront de plus en plus et ne seront Jamais satisfaites.
Y m'a dit qu'il devient très souvent un instrument
des forces adverses.
Il y a beaucoup de sa propre imagination ; s'il pensait
moins à ces prétendus êtres vitaux, la plupart d'entre eux
seraient de suite dissous.
Si je peux rester paisible en face de toutes circonstances, }e peux être sûr que la force hostile est loin de
moi.
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Oui, à condition que la "paix" ne soit pas celle d'un
endurcissement mais celle d'une force consciente.
Mère, je ne comprends pas bien ce qu'est une paix d'endurcissement.
Je veux parler de la paix qu'éprouvent les gens tout à fait
insensibles et indifférents aux malheurs du monde et à la
peine d'autrui, ceux qui ont changé leur cœur en pierre et
sont incapables de compassion.
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Si je pouvais me détacher entièrement de ce monde
extérieur, si je pouvais me trouve' tout à fait seul, je
maîtriserais cette dépression que je ne puis pas secouer de moi.
Ce n'est pas du tout exact ; l'expérience de tous les solitaires, tous les ascètes, prouve indiscutablement le contraire.
La difficulté vient de soi, de sa propre nature, et on l'emporte
avec soi partout où l'on va, quelles que soient les conditions
dans lesquelles on se trouve. Il n'y a qu'un moyen de s'en
sortir, c'est de vaincre la difficulté, de surmonter sa nature
inférieure. Et n'est-ce pas plus facile ici, avec une aide
concrète et tangible, que tout seul sans personne pour
éclairer le chemin et guider Ses pas incertains ?
Ma maman chérie, je veux vivre une vie pure, et je
ferai tout pour avancer vers la vie divine.
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Cela ne dépend pas tant des conditions extérieures, mais
surtout de l'état intérieur.
Un être pur est toujours pur, en toutes circonstances.
Tu admettras que l'on ne peut pas vivre avec les autres sans être influencé plus ou moins par eux.
Ça, c'est inexact ! c'est vrai pour la vie ordinaire mais pas
pour un yogi-
Douce Mère, si ma compagnie ne fait pas de bien aux autres, ne dois-je pas me dissocier de tous ?
Il serait de beaucoup préférable de te dissocier de la
tendance à descendre dans ta conscience ordinaire.
Quel sera le résultat si je médite sur la pensée qu'il n'y a
aucune différence entre une chose, n'importe quoi, et moi, parce que le Divin est aussi présent dans cette chose qu'il l'est en moi?
Probablement un résultat désastreux ; c'est-à-dire une ouverture passive à toutes sortes d'influences dont la plupart
sont peu recommandables.
Un yogi doit accepter et digérer toute la saleté avec une égalité parfaite.
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Pourquoi ? Je ne vois pas que ce soit nécessaire. L'effort qu'il faudrait faire pour s'immuniser contre les effets de la
saleté, peut être utilisé ailleurs d'une façon beaucoup plus profitable.
Mère chérie. Tu me rends très heureux et j'aimerais
voir tout le monde aussi heureux que moi.
Évidemment cela fait preuve de très bons sentiments. Mais une
certaine somme de connaissance doit être ajoutée à
ces sentiments. Car, de communiquer la paix et la joie aux
autres n'est pas si facile, et à moins qu'on n'ait en soi une paix
et une joie inébranlables, on risque fort de perdre ce que l'on a soi-même plutôt que de le passer aux autres.
Mon cœur est plein de compassion pour les autres, et je ne suis pas insensible à leur peine, mais à quoi bon
ce sentiment si je ne puis pas venir en aide aux gens
dans leur peine ?
On ne peut aider les autres à surmonter leurs chagrins et
leurs souffrances que lorsqu'on a surmonté tout cela en soi-
même et que l'on est maître de ses sentiments et de ses
réactions.
C'est à purifier ton propre cœur qu'il faut que tu
travailles au lieu de passer ton temps à juger ce que les autres
font ou ne font pas.
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Oui, il faut se méfier des jugements superficiels et sans
fondations.
C'est justement quand on est innocent qu'on doit être le plus
indifférent à un mauvais traitement, puisque l'on
n'a rien à ce reprocher et qu'on a l'approbation de sa conscience pour se
consoler.
Tu ferais bien mieux de ne pas t'occuper de ce que les
autres disent.
Il faut bien que ceux qui ont du courage, en aient pour
ceux qui n'en ont pas.
J'ai failli me mettre en colère, et c'est avec effort que
je me suis maîtrisé.
C'est très bien de maîtriser sa colère. Ne serait-ce que
pour apprendre à le faire, ces contacts avec les autres sont utiles.
Je ne connais rien de plus sot que ces querelles où tout le
monde a tort- Et qu'y a-t-il de plus ridicule que ces amours-
propres froissés !
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On ne risque jamais de mal faire en se taisant, tandis
qu'on a neuf chances sur dix de dire une bêtise quand on
parle.
Il n'est jamais bon de mentir, mais ici les résultats ne
peuvent en être que désastreux, puisque le mensonge est le
symbole même de ce qui veut s'opposer à l'œuvre divine de
Vérité.
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La santé est l'expression extérieure d'une harmonie pro-
fonde, i! faut en être fier et non la mépriser.
Pourquoi toujours s'imaginer qu'on est malade ou qu'on
va l'être et s'ouvrir ainsi à toutes les suggestions mauvaises. Il
n'y a aucune raison d'être malade et je ne vois pas pourquoi tu le serais.
Mère chérie, j'ai attrapé un rhume. Dois-je me
baigner comme d'habitude ?
Fais comme tu veux, cela n'a pas beaucoup d'importance ; mais ce qui importe est de rejeter la peur. C'est la peur
qui fait qu'on tombe malade et c'est la peur qui rend la
guérison si difficile. Toute peur doit être surmontée et
remplacée par une confiance totale en la Grâce divine.
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Depuis quelques jours la douleur se trouve à la nuque ; je suis
fatigué des remèdes que notre dispensaire peut me donner. Je compte sur Ta Volonté seule pour me débarrasser de cette maladie.
Il faut une foi inébranlable pour pouvoir se passer de
médicaments.
Il ne faut Jamais perdre l'espoir ni la foi — il n'y a rien qui
soit incurable, et on ne peut assigner aucune limite au
pouvoir du Divin.
Il faut atteindre à la paix intérieure et la garder constamment. Dans la force que donne cette paix, toutes ces petites
misères disparaîtront.
Mère, la tendance inhérente du corps matériel est de se dissoudre, et le mental l'aide ; comment pourras. Tu arrêter l'inclination naturelle de mon corps à la destruction ?
Il faut qu'il prenne conscience de l'immortalité des
éléments qui le constituent (ce qui est un fait reconnu
scientifiquement), puis qu'il se soumette à l'influence et à la
volonté de l'être psychique qui est immortel de par sa nature même.
Mère aimée. Tu admets que se passer de nourriture
est possible.
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Pour que la nourriture ne soi plus nécessaire, il faudrait
que le corps soi complètement transformé et qu'il ne soit
plus soumis à aucune des lois qui le régissent à présent.
Je ne vois pas pourquoi les gens se sentent coupables
parce qu'ils ont faim- Si la nourriture est préparée, c'est pour
être mangée.
Ma Mère la plus aimée. Je crois qu'il vaudrait mieux éviter ce genre de fête.
Évidemment, cela crée une atmosphère où la nourriture
prédomine ; ce n'est pas très favorable à la vie spirituelle.
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L'être vital est à la fois le lieu des désirs et des énergies,
des impulsions et des passions, des lâchetés, mais aussi des
héroïsmes — lui mettre une bride, c'est tourner tout cela vers
la Volonté divine et le soumettre à cette Volonté.
L'être vital ne cherche que le pouvoir, la possession
matérielle et le pouvoir terrestre.
Ceci encore est faux. La partie supérieure de l'être vital,
de même que la partie supérieure de l'être mental, aspire au Divin et souffre de son éloignement.
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Cette envie de vivre dans une atmosphère intellectuelle ne montre-t-elle pas que mon mental peut
dominer le vital ?
Non, cela indique seulement que dans ta conscience le mental tient plus de place que le vital. Ce que j'appelle la
domination du mental sur le vital, c'est quand ce dernier ne
prend aucune initiative, n'accepte aucune impulsion qui ne
soit d'abord approuvée par le mental, quand aucun désir,
aucune passion ne se lève à moins que le mental ne le Juge bon, et si une impulsion de désir, de passion ou de violence, vient du dehors, il suffit que le mental intervienne pour que
ce soit immédiatement contrôlé.
Mère chérie, les désirs vitaux s'épanouiront à mesure
que mon corps deviendra faible, n'est-ce pas?
Certainement pas ; tout au contraire, pour pouvoir
vaincre les désirs du vital il faut avoir un excellent équilibre
physique et une forte santé.
Dans le monde vital, attraction et répulsion sont l'endroit et l'envers de la même chose et prouvent toujours un
attachement. Il faut avec obstination détourner sa pensée de
son objet.
Doit-on toujours éviter une circonstance qui favorise
les impulsions indésirables ? Ou bien doit-on accepter la circonstance et essayer d'en être le maître ?
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Il vaut toujours mieux éviter la tentation.
Il n'y a qu'à persister avec une tranquille confiance et le
vital cessera de faire grève.
Une dépression est toujours déraisonnable et ne mène
nulle part. C'est le plus subtil ennemi du yoga.
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Dans Tes Entretiens, Tu as dit que l'intellect est comme un intermédiaire entre la vraie connaissance et la réalisation ici-bas. Ne s'ensuit-il pas que la
culture intellectuelle est indispensable afin de mon-
ter au-dessus du mental pour y trouver la vraie
connaissance ?
La culture intellectuelle est indispensable pour créer un
bon instrument mental, large, souple et riche, mais son action
s'arrête là.
Pour monter au-dessus du mental, elle est plus souvent
une entrave qu'une aide, car, en général, un mental raffiné et
éduqué trouve sa satisfaction en lui-même et cherche rare-
ment à se taire pour être surpassé.
C'est une impulsion transitoire qui me pousse tant à
mon étude.
Tant que tu auras besoin de te former, de construire ton
cerveau, tu auras ce ton penchant à l'étude ;
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mais quand le
cerveau sera bien formé, le goût de l'étude s'éteindra petit à
petit.
Ma Mère bien-aimée, je veux suivre un cours systématique de métaphysique et d'éthique. Je pense aussi lire Thé Lire Divine.
Si tu lis de la métaphysique et de l'éthique, il faut le prendre juste comme une
gymnastique mentale pour donner
de l'exercice à on cerveau, mais ne jamais perdre de vue que ce n'est pas une source de connaissance et que ce n'est pas de
cette façon qu'on peut s'approcher de la connaissance.
Naturellement, il n'en est pas de même pour La Vie Divine...
Dans le silence est la source des plus hautes inspirations.
L'identification avec le Divin est notre but ; je ne
vois pas pourquoi j'essaye de savoir ceci ou cela ?
Ce n'est pas le travail qui importe, mais l'esprit dans lequel on le fait. Il est difficile de garder son esprit tout à fait silencieux ; il vaut mieux l'occuper à des études qu'à des
billevesées ou à des rêveries malsaines.
J'ai envie de voir ce qui m'arrive si je cesse absolument de lire des livres.
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Il est difficile de garder son mental toujours fixé sur la
meme chose, et si on ne lui donne pas assez de travail pour l'occuper, il commence à s'agiter. Ainsi, je crois qu'il vaut mieux choisir avec soin ses lectures plutôt que de cesser
complètement de lire.
Je lis un livre sur les automobiles; mais je le lis en vitesse ; j'évite les descriptions des mécanismes compliqués.
Si tu ne veux pas apprendre à fond, consciencieusement et dans tous les détails, il vaut mieux ne pas t'en occuper du
tout. C'est une grande erreur de croire qu'une petite connaissance superficielle et incomplète des choses peut servir à
quoi que ce soit ; cela ne sert à rien du tout qu'à faire des
gens prétentieux qui s'imaginent savoir et en fait ne savent
rien.
Il est très difficile de choisir des jeux qui soient utiles et profitables pour un enfant. Cela demande beaucoup de considération et de réflexion, et tout ce que l'on fait à la légère peut avoir des conséquences fâcheuses.
Je lis Molière; ses Écrits sont légers.
Pas tant qu'ils en ont l'air. Il y a une profonde et très sage observation dans les comédies de Molière,
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Je viens de finir Salammbô¹," je n'y ai trouvé aucun
caractère idéal.
Ce n'est pas un livre à idées ; c'est seulement par la
beauté de la forme et du style qu'il est remarquable.
Quand on lit une littérature sale, un roman obscène, le vital ne jouit-il pas à travers le mental?
Dans le mental aussi il y a des perversions. Il est bien
pauvre et sans raffinement le vital qui peut prendre plaisir à
des choses pareilles !
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Les élèves bavardent tant dans la classe qu'il me faut
les gronder très souvent.
Ce n'est pas avec la sévérité, mais avec la maîtrise de soi qu'on gouverne les enfants-
Il faut que Je te dise que si un professeur veut être
respecté, il faut qu'il soit respectable. X n'est pas le seul à dire que tu uses de violence pour te faire obéir ; rien n'est moins
respectable. Il faut d'abord te maîtriser toi-même et ne Jamais te servir de la force brutale pour imposer ta volonté.
¹Un roman de Gustave Flaubert.
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J'ai toujours pensé que quelque chose dans le caractère
du professeur était responsable de l'indiscipline de ses élèves.
J'espère que Tu me donneras des instructions précises qui me permettront de garder l'ordre dans mes
classes.
Le plus important est de te maîtriser toi-même et de ne
jamais "lose your temper" comme on dit en anglais. Si tu n'as
pas de contrôle sur toi-même, comment peux-tu espérer
contrôler les autres, surtout des enfants qui sentent tout de
suite quand quelqu'un n'est pas maître de lui-même.
Les élèves ne peuvent pas apprendre leurs leçons, même quand ils ont leur livre.
Il faut beaucoup de patience avec de jeunes enfants, et
leur répéter plusieurs fois la même chose en la leur expliquant de diverses manières. Ce n'est que peu à peu que cela
entre dans leur cerveau.
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